SUR LA PISTE D’UN TRIOMPHE

Quand nous sommes face à une entité pétrifiée, comment lui donner de l'épaisseur, comment entendre son cœur ?  

Sans doute en partant à la recherche de son onde clandestine.


Au début de notre rencontre avec le tarot, les images sont comme des entités pétrifiées elles semblent figées, sans voix. Si on écoute bien dans le lointain, on entend quelque chose et à force d’attention et de persévérance l'image s’anime et nous parle. Rien n’est encore bien clair, il nous faudra affirmer ce sentiment en l’ancrant dans le réel, en fouillant dans les plis secrets du monde, là où se cache l’onde clandestine des entités pétrifiées.


Il y a une quinzaine d'années, en observant le triomphe de la Maison-Dieu, j'ai eu le pressentiment que la tour n'était pas que minérale, pas uniquement construit de pierres. Il y avait à l'intérieur de cette tour, du végétal, un arbre en train de se développer. En plus d'avoir été bâti (dans le temps court), elle était également en croissance (dans le temps long) prête à s'épanouir et à partager quelque chose. Ce n'était à ce stade encore qu'une idée sans rien de vraiment palpable.  

Quelque temps plus tard ? Du côté de Carpentras ? Je suis tombé sur une architecture ressemblant à la tour de La Maison Dieu, la porte était un peu coincée, mais j'ai pu l'ouvrir et entrer.

De l'intérieur je voyais que le sommet était ouvert et que du sol un arbre tendait ses branches vers la lumière, mon pressentiment voulait prendre forme en s’enracinant dans le réel.

Par la suite j'ai découvert le Tarot de Jacques Viéville dont les cartes non pas de nom, seulement des nombres. La construction du Triomphe numéro XVI est très comparable à La Maison Dieu, mais l'élément central n'est pas une tour, c’est un arbre au pied duquel un berger vient faire manger ces bêtes (le chêne offre ses glands). J’ai fait des recherches sur cette représentation qui semble faire référence à la glandée qui était une pratique très répandue au Moyen-âge et qui permettait au berger de nourrir ses bêtes à peu de frais durant le mois de novembre juste avant l'hiver, ce qui démontre bien que quelque chose se partage ici, on récolte le fruit d’un épanouissement. Il n’y a pas de châtiment, pas de punition, pas de foudre venus nous condamner, juste quelque chose qui tombe de l’arbre ou est expulsé de la tour, de notre intérieur vers l’autre, un don au service du vivant.

Voilà pourquoi il est vraiment très enrichissant de partir à la rencontre des Triomphes dans d'autres contextes, de façon à entendre la note de leur onde clandestine, cette note qui vient mettre un peu de vie dans ce qui sinon semblerait pétrifier.